Kirviller, le 21 août 1980
Chers amis,
II y eut la lettre de mai avec les difficultés que vivait 1'Eglise de Baradères et puis le silence. Le silence du retour. Je suis rentré au pays le premier juillet. Il faisait froid alors en France et il pleuvait, ce qui n'a pas facilite la réadaptation. Et puis 1’avant-veille de mon retour j'apprenais la mort subite de ma sœur Anne.
L'Evêque m’a proposé d’être aumônier de l’hôpital psychiatrique de Sarreguemines Steinbach. Cela m'a sur ris: Steinbach n'a pas bonne réputation. J’ai été voir sur place, j’en ai discuté à droite et à gauche. Finalement j'ai accepté de bon cœur. Il me semble important que le monde des malades mentaux soit accueilli dans l’Eglise. Un univers que j'ignore, où j'aurai donc tout a apprendre, avec patience. Tiendrai-je le coup? Je compte sur la grâce d Dieu et le secours de vos prières. Un univers important en nombre: près de mille malades et autant d’ employés (des ouvriers aux psychiatres). L’abbé Léon Bach qui me précède va en retraite. Il y a passé seize ans, sans dégâts apparents, ce qui me rassure. Si vous venez me voir, vous serez accueillis dans une belle petite maison blanche, à partir d'octobre probablement.
Baradères reste sans prêtre: rien n'est encore clair, semble-t-il, politiquement.
Et il y eut le cyclone Allen qui dévasta le sud d'Haïti dans la nuit du 5 au 6 août. Voici ce qu'en dit le Père Ernest: ‘‘ Comme d'habitude c'est le Sud qui a reçu les plus vilains coups, surtout la zone côtière de Jacmel à l'Anse-d'Hainault, mais les dégâts son important dans tous les mornes… Plus de récolte nulle part. On n'ose pas penser à la famine qui va suivre. Les organismes vont
distribuer des secours, mais comment nourrir des centaines de milliers de gens qui pour la plupart n'ont plus rien? A 1'île-à-Vache et Saint-jean-du-sud il n'y a plus une seule mais debout. Je pense que sur la côte oblate il en est de même. Il n’est pas étonnant que les morts atteignent le millier. A Baradères je ne connais pas la situation exacte. J' ai vu Madame Nathan. Toutes les maison de son quartier sont détruites. Les chapelles de Fond-Gondol, Montguillot, nicolot, Savon, Saint-Joly, Tête-d’Eau, fond-tortue et des Palmes tombées... ''Je me demande ce qu'à notre niveau nous pourrions faire pour eux?
Depuis quelques jours le conseil épiscopal m'a demandé d’assurer eu plus de Steinbach le service de la paroisse de Gros-Rederching. Je viens d'accepter.
Les événements du monde frappent à notre porte : la mort des karamandjos, la grève des marins-pêcheurs, le mouvement ouvrier en Pologne… et puis les problèmes de chez nous, ceux qui nous harcèlent tous les jours et nous usent. D'où nous viendra l'étincelle capable de ranimer la flamme de nos vies?
Bien à vous de tout cœur,
Bernard Molter
Centre hospitalier spécialisé
57200 Sarreguemines
